Depuis l’éviction du dictateur Omar El Béchir en avril 2019, l’optimisme a fleuri au Soudan. La démocratie remplace le régime militaire et les pourparlers de paix cherchent à remplacer des années de guerre civile. Et après des décennies de négligence, il semble que ceux qui sont maintenant au pouvoir font un effort concerté pour reconstruire le système éducatif et être en mesure de fournir une éducation pour tous.

"Depuis le début, le gouvernement de transition s’est intéressé à l’éducation et a tenu à involve société civile dans la résolutiondes problèmes et de suggérer des moyens d’aller de l’avant. Nous avons volontiers profité de l’occasion pour influencer le cours et soutenir la modification du système actuel", déclare Mubarak Yahya Abbas, président de la coalition nationale de l’éducation au Soudan (SCEFA).

Depuis sa création en 2002, la SCEFA est devenue une plate-forme de plus de 70 organisations et groupes travaillant et plaidant pour une éducation de qualité pour tous. Une vision précédemment compromise par une mauvaise gestion, la négligence politique, la guerre et les troubles conduisant à l’insécurité et la pauvreté et des années de déclin général dans le système éducatif.

L’accès à l’éducation de base au Soudan a stagné au cours de la dernière décennie. Le taux brut de scolarisation de 73 pour cent est faible par rapport à d’autres pays, et sur ceux inscrits, seulement la moitié devraient terminer l’école primaire. Parmi les groupes marginalisés tels que les enfants nomades, 79,6 pourcents ont actuellement non scolarisés.

Enfin, l’éducation est une priorité politique

"Le gouvernement précédent ne s’opposait pas à l’éducation, mais ne l’avait pas comme priorité. Ainsi, à mesure que les difficultés économiques augmentaient, les budgets et l’attention politique allaient ailleurs », explique Moubarak Yahya Abbas. « Maintenant, nous avons enfin un gouvernement qui est en faveur de l’éducation, un gouvernement qui est plus conscient de l’importance de l’éducation pour le développement économique et social. Nous saisissons l’occasion de défendre nos points de vue et de partager nos connaissances pour soutenir la gouvernance dans ce travail."

À la demande des Forces de la liberté et du changement (FFC) et de l’Association Professionnelle Soudanaise (SPA), le SCEFA a fait une analyse de la situation éducative actuelle au Soudan. Le rapport contient des statistiques décourageantes sur l’accès, la rétention et la qualité de l’enseignement de base et secondaire, et révèle des taux d’analphabétisme jusqu’à 84 pourcents dans certaines régions.

Le SCEFA et ses partenaires proposent des solutions pour résoudre les problèmes décrits dans le rapport.

Accent important sur les enseignants

Un problème identifié par le SCEFA est la faible qualité de nombreux enseignants, due à une formation insuffisante et à des salaires peu élevés, qui rend difficile d'attirer des enseignants qualifiés. Il en résulte des écoles publiques avec un personnel non formé et peu motivé. SCEFA propose des changements au programme d’études et la formation des enseignants et a précédemment recommandé une augmentation des salaires.

"Nous avons déjà vu le gouvernement approuver la suggestion selon laquelle le salaire des enseignants augmente de 500 pourcents. Dans le même temps, nous avons vu le gouvernement accepter une autre recommandation clé - faire passer le budget de l’éducation d’un niveau record de 2,8 pour cent du PIB à au moins 10 pour cent, et un plan est en cours d’élaboration pour la reconstruction des salles de classe et des bâtiments qui se trouvent souvent dans de mauvaises conditions. Nous sommes très heureux de ces développements", déclare Ensaf Abdalla, responsable du programme au SCEFA.

Tout en travaillant avec le gouvernement sur l’analyse et l’élaboration des politiques, le SCEFA fait également campagne pour mobiliser le peuple soudanais autour de l’éducation. Le manque de scolarisation et les taux élevés d'abandon scolaire sont souvent le résultat d'une mauvaise qualité, de conditions dangereuses ou d'un déplacement. Mais c'est aussi le résultat de familles qui ne poursuivent pas l'éducation de leurs enfants en raison de la pauvreté, de la méconnaissance de la valeur de l'éducation ou de croyances culturelles poussant les filles au mariage précoce et aux travaux ménagers au lieu de l'éducation.

L’éducation peut être lourde pour les familles

"Après des années avec un système éducatif qui fonctionne mal, nous devons engager le public dans la reconstruction des écoles et les motiver à avoir une fois de plus l’audace de croire en l’école comme le chemin de leurs enfants vers un avenir meilleur", dit Ensaf Abdalla. Une condition préalable importante est que le gouvernement élimine le fardeau économique que l’éducation tend à représenter pour les familles.

Une recherche du SCEFA montre que les parents financent eux-mêmes près de 20 % de la scolarité par l'entretien des bâtiments scolaires, l'achat de matériel scolaire, d'uniformes et de livres, et l'octroi d'un salaire supplémentaire aux enseignants. Cela rend l’éducation inaccessible aux plus pauvres et renforce les inégalités au Soudan – les enfants les plus pauvres abandonnent leurs études tandis que les enfants les plus riches poursuivent leurs études dans des écoles privées de premier ordre.

"Il y’a beaucoup de difficultés et de défis, bien sûr, mais aussi un élan unique maintenant pour mettre les choses sur la bonne voie. En tant que OSC, nous pouvons en faire et, avec l’appui du public, nous pouvons aller loin. Nous travaillons très dur pour bénéficier pleinement de la fenêtre d’opportunité qui nous est ouverte. Et nous sommes très optimistes", dit le Dr Mubarak Yahya Abbas.