Plaidoyer pour l'éducation en RDC : Changer l'opinion publique sur le droit à l'éducation

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Malene Aadal Bo
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water project in DRC photo Modelste Mirindi
Modeste Mirindi Oxfam
La qualité de l'éducation dans toute la République démocratique du Congo est faible, tout comme les moyens financiers pour réparer les pots cassés. Cependant, grâce aux partenaires de la Coalition nationale pour l'éducation, les politiciens et le publique de la RDC ont changé d'avis sur les aspects de l'éducation qui pourraient ouvrir la voie au changement.

Jacques Tshimbalanga est coordinateur national au sein de la coalition congolaise pour l'éducation. Les événements récents montrent certains des principaux défis auxquels la coalition est confrontée dans sa quête d'une éducation de qualité en République démocratique du Congo.

Trois jeunes étudiants d'une communauté locale de la RDC rurale se sont rencontrés un jour après l'école. Ils ont eu des relations sexuelles. Ils n'avaient que 16, 15 et 12 ans et cet acte est donc illégal dans le pays. D'une manière ou d'une autre, leur acte a été filmé et ils étaient parfaitement reconnaissables. La vidéo a été partagée sur les réseaux sociaux et, en quelques jours, elle est devenue virale et a atteint toutes les villes du pays, provoquant des remous. Elle est également arrivée jusqu’au ministre de l’éducation, qui a immédiatement ordonné que les élèves soient expulsés de leur école. Il est même allé plus loin en exigeant que les étudiants soient exclus de manière permanente de toute institution éducative du pays.

La coalition nationale pour l'éducation a défendu les étudiants, soutenant qu'ils ne peuvent légitimement se voir refuser une éducation à cause d'une telle erreur. Le ministre modifia la décision pour qu'elle ne couvre que le réseau d'écoles catholiques. Une fois encore, la coalition s'est opposée au ministre, soulevant le fait que les écoles catholiques représentent 60 % de l'ensemble des écoles publiques et sont les seules accessibles aux élèves en question. Cette décision les priverait en pratique de leur droit à l'éducation.

Mais il s'est passé deux choses qui démontrent que les choses changent en RDC.

L'éducation était autrefois considérée comme un privilège et non comme un droit

Tout d'abord, la coalition a vu l'opinion publique favoriser les enfants et leur droit à l'éducation. Il y a quelques années seulement, l'opinion publique congolaise considérait l'éducation comme un luxe ou un privilège. Aujourd'hui, elle est considérée comme un droit de l'homme et quelque chose qui devrait être garanti pour tous.

Avant 2009, les frais de scolarité et autres contributions payées par les familles constituaient en moyenne 73 % des dépenses pour l’éducation. L'État n'en couvrait que 23 %, le reste étant fourni par des ONG internationales, ce qui signifie que l'éducation était réservée à ceux qui pouvaient se la payer. Après des années de campagne et de plaidoyer en faveur de la gratuité de l'enseignement public par la coalition, les frais de scolarité sont désormais supprimés et l'enseignement public est véritablement gratuit.

"Aujourd'hui, nous avons des parents et des communautés locales qui se battent activement pour le droit de leurs enfants - de tous les enfants - à une éducation de qualité. Et nous voyons cette même perception se propager du public aux politiciens et aux détenteurs du pouvoir. On ne peut surestimer l'importance de ce changement de mentalité et le potentiel qui en découle lorsqu'on est capable de mobiliser les communautés locales dans la lutte pour le changement", déclare Jacques Tshimbalanga qui ne peut s'empêcher d'être fier de cette évolution car il la sent étroitement liée aux activités menées par la Coalition nationale pour l'éducation depuis sa création en 2009.

Un autre objectif principal pour les 75 organisations, syndicats et réseaux qui constituent la Coalition Nationale pour l'Education en RDC a été de s'établir comme un critique et un chien de garde ainsi qu'un partenaire constructif pour le gouvernement et les autorités éducatives.

"Depuis toujours, l’opinion publique a été considérée comme une tentative visant à réduire l'autorité des personnes au pouvoir. Et ceci n’est pas pris à la légère. Cependant, de plus en plus souvent, nous sommes acceptés comme un partenaire de dialogue légitime et nos contributions sont considérées comme valables", déclare Jacques Tshimbalanga.

Une invitation très spéciale

Dans le cas ci-dessus, la coalition pour l'éducation a réglé son contentieux avec le ministre qui a finalement décidé d'autoriser les enfants à retourner à l'école et à poursuivre leurs études. À peu près au même moment, les membres de la coalition ont été - pour la toute première fois - invités au ministère de l'éducation pour participer à un atelier.

"L'atelier a été fructueux, et l'expérience de pouvoir présenter et discuter ouvertement de nos recherches et de nos idées dans ce forum a été une grande chose pour nous. Une chance de nous établir comme quelqu'un avec qui les politiciens et les détenteurs du pouvoir peuvent travailler de manière constructive", déclare Jacques Tshimbalanga.

L'atelier portait sur le financement alternatif de l'éducation, un thème qui figure parmi les priorités de la coalition. Depuis la création de la coalition en 2009, nous avons plaidé pour une augmentation du budget national de l'éducation, qui était alors de 7 %. En 2015, il a été décidé d'augmenter une nouvelle fois la ligne budgétaire, pour atteindre 22 % en 2020.

Pourtant, selon des estimations récentes, le budget public de l'éducation couvre en moyenne 1 USD par enfant et par an, alors que d'autres estimations montrent qu'il faudrait au moins tripler le budget pour combler l'écart actuel - et qu'il faudrait investir bien davantage pour se rapprocher de l'objectif de l'éducation pour tous.

Nécessité de trouver d'autres sources de financement

Dans tout le pays, les salles de classe sont trop peu nombreuses et en mauvais état. De nombreux élèves apprennent sans aucun matériel à portée de main. De nombreux enseignants sont privés de salaire. Et bien trop souvent, vous trouverez chaque enseignant avec jusqu'à 100 élèves et une chance très limitée de dispenser un enseignement de qualité. Par conséquent, les niveaux d'apprentissage restent faibles et les taux d'abandon élevés, surtout dans les zones rurales.

Réalisant qu'il sera difficile de financer une éducation de qualité à partir du seul budget national, la coalition a intensifié sa recherche de financements alternatifs. En raison du système de gouvernance décentralisé de la RDC, la coalition a commencé à se tourner vers les gouvernorats provinciaux, qui disposent de revenus propres mais n'affectent actuellement rien à l'éducation. Une autre option consiste à affecter à l'éducation une part de la taxe prélevée sur l'extraction des ressources naturelles, comme cela a été fait dans d'autres pays. Une troisième option consiste à appliquer une politique d'affectation similaire à la taxe sur les communications mobiles. Enfin, la coalition travaille à la création d'un fonds indépendant pour l'éducation auquel pourraient contribuer des sources publiques et privées.
"Je suis heureux de dire que nos idées ont été bien accueillies lors de l'atelier et, compte tenu du soutien et de l'engagement accrus du public, je dois dire que nous restons optimistes en dépit de tous les défis", déclare Jacques Tshimbalanga.

Faits

  • La Coalition nationale pour l'éducation en République démocratique du Congo a été créée en 2009.
  • Elle comprend un total de 75 membres constitués d'organisations locales, du syndicat des enseignants congolais et de réseaux de médias et de chercheurs.
  • La coalition vise à couvrir les 26 districts de la RDC, qui est le plus grand pays d'Afrique subsaharienne.
  • La RDC fait partie des pays les plus pauvres de la région et les estimations montrent que le budget est d'environ 1 USD par étudiant, soit moins d'un tiers de ce qui est nécessaire au minimum. Source: World Bank 
  • En moyenne, un enfant congolais bénéficie de 9,1 années de scolarité, ce qui se traduit toutefois par 4,5 années de scolarité corrigées en fonction de l'apprentissage (estimation 2020).Source: World Bank 
  • La pauvreté dont le taux est élevée en RDC, reste répandue et omniprésente, et augmente en raison des impacts de COVID-19. En 2018, il a été estimé que 73% de la population congolaise, soit 60 millions de personnes, vivaient avec moins de 1,90 $ par jour (le taux de pauvreté international). Ainsi, environ une personne sur six vivant dans l'extrême pauvreté en ASS - vit en RDC. Source: World Bank 
  • La coalition s'efforce de faire de l'éducation de qualité un véritable droit de l'homme et de mobiliser les communautés locales afin d'obtenir les fonds et le cadre politique nécessaires à l'amélioration du système éducatif. La coalition travaille également avec les autorités locales et nationales pour trouver d'autres sources de revenus afin de combler le déficit des budgets pour l'éducation.