S'attaquer aux obstacles liés au genre dans l'éducation

Author
Clara Lindhard Neltoft
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Girls in school
Photo: Arturo Quinteros
La question du genre est devenue l'une des préoccupations les plus capitales dans la conception des programmes et le développement des politiques de l'éducation pour la société civile et les autres parties prenantes travaillant dans l'éducation. S'attaquer aux obstacles que rencontrent les filles pour accéder à une éducation de qualité et poursuivre leurs études est au cœur de nombreuses organisations soutenues par Education à Voix Haute.

Resources

  • Dans la note d'information du PME sur la planification sectorielle de l'éducation tenant compte de la dimension du genre, vous pourrez en savoir plus sur le Guide pour l'élaboration de plans sectoriels de l'éducation tenant compte de la dimension de genre (GRESP) élaboré par l'Initiative des Nations Unies pour l'Education des Filles (UNGEI) et le Partenariat Mondial pour l'Education (PME).
  • La boîte à outils du Réseau pour le genre dans l'éducation en Asie-Pacifique (GENIA) est une boîte à outils conçue pour être utilisé par points focaux en faveur du genre avec les planificateurs et exécutants de l'éducation dans la région Asie-Pacifique.
  • La boîte à outils développée par VVOB et FAWE sur la pédagogie sensible au genre pour l'éducation de la petite enfance peut être utilisée pour soutenir les acteurs de l'éducation de la petite enfance dans leur pratique quotidienne.
  • Pour en savoir plus sur le travail en faveur de l'éducation des filles entrepris par les organisations financées par Education à Voix Haute, consultez le dernier rapport de situation.

Grâce à la priorité croissante accordée à l’égalité des sexes dans l'éducation, des progrès considérables ont été réalisés en matière de scolarisation des filles au cours de ces 25 dernières années. Cependant, malgré de nombreuses initiatives visant à promouvoir l’égalité des sexes, seuls 49 % des pays y sont parvenus au niveau de l'enseignement primaire et, à mesure que l'on évolue dans les niveaux de l'enseignement, l'écart entre les genres se creuse ; au niveau de l'enseignement secondaire, seuls 42 % des pays du monde ont atteint l’égalité entre les sexes en matière d'inscription. Au niveau de l'enseignement secondaire supérieur, ce chiffre diminue fortement pour atteindre seulement 24 %. 129 millions de filles n'étaient toujours pas scolarisées en 2018 - un chiffre amplifié pendant la pandémie de Covid-19 où l'on estime que jusqu'à 11 millions de filles ne repartiront plus à l’école. Il est clair que le travail en faveur de l'égalité des sexes dans l'éducation est loin d'être terminé.

Obstacles dans l'accès et la poursuite des études

Il existe de nombreux obstacles à l'éducation des filles. Des problèmes tels que la violence basée sur le genre, le mariage précoce ou forcé, ou les grossesses des adolescentes sont quelques-uns des problèmes qui posent des obstacles importants dans l'accès des filles à l'éducation. De nombreuses organisations soutenues par Education à Voix Haute s'efforcent de résoudre ces problèmes.

La coalition nationale pour l'éducation en Tanzanie, TEN/MET, a concentré ses efforts de plaidoyer pour faire pression en faveur d’une nouvelle politique de réintégration des mères adolescentes du pays dans l'éducation. Cela a mis fin à l'interdiction qui, pendant cinq ans, qui empêchait les filles enceintes de retourner à l'école en Tanzanie. Dans la région du Sahel, Girls Not Brides aborde les liens entre le mariage précoce et infantile et l'éducation dans le cadre de son projet financé par Education à Voix Haute. Il est intéressant de noter que les filles qui abandonnent l'école puis se marient sont plus nombreuses que celles qui abandonnent l'école pour se marier, d’où l'importance de la rétention. En Bolivie, la coalition nationale pour l'éducation s'est lancée dans la bataille contre le tabou de l'éducation sexuelle afin de s'attaquer aux problèmes de grossesse précoce et de violence domestique qui constituent des obstacles importants à la poursuite de l'éducation des filles dans le pays.

Les grossesses et mariages précoces, ainsi que la violence basée sur le genre ne sont que quelques-uns des nombreux obstacles auxquels sont confrontées les filles. La coalition nationale pour l'éducation au Ghana (GNECC), soutenue par Education à Voix Haute, a par exemple beaucoup travaillé pour s'attaquer aux obstacles normatifs qui empêchent les filles d'accéder à une éducation continue de qualité :

"Le matériel et les ressources d'enseignement et d'apprentissage sont fortement biaisés. Ils véhiculent beaucoup de normes sociales et d'attentes envers les filles et les garçons respectivement. Dans le programme scolaire, nous dépeignons des images où les professionnels comme les politiciens, les avocats et les gestionnaires sont très majoritairement des hommes. Si vous regardez ensuite les personnes qui s'occupent des enfants, le matériel scolaire dépeint fortement les femmes dans des rôles domestiques. Le message est recyclé et renforcé au point que les filles commencent à se voir sous cet angle et à renforcer les limites que la société leur a imposées", a noté Dinah Adiko, spécialiste du genre et de l'inclusion, et membre du comité technique du GNECC, dans un article précédemment publié sur le site web de l’Education à Voix Haute pour expliquer la persistance de l'écart entre les sexes aux niveaux supérieurs de l'éducation au Ghana.

Le travail de ces organisations souligne que l’égalité des sexes en matière d'inscription n'est que la première question à prendre en compte. Si l'on ne s'attaque pas aux obstacles qui nuisent à la rétention et à l'accès des filles à une éducation continue de qualité, les filles continueront d'être désavantagées et empêchées de fournir les impacts immensément positifs que des filles éduquées peuvent avoir sur le développement des communautés et des pays.

Au-delà de l'importance de l'éducation pour la vie et l'avenir de l'individu, le niveau d'éducation d'une fille a en fait d'immenses répercussions au-delà d'elle-même. Les données du Partenariat Mondial pour l'Education (PME) montrent que pour chaque année supplémentaire de scolarisation des filles, la résilience de leur pays aux catastrophes climatiques s'améliore, car l'impact de l'éducation d'une fille se répercute sur sa famille et sa communauté. Les revenus plus élevés des filles au cours de leur vie, grâce à l'éducation, sont également un facteur clé pour sortir les pays et les communautés de la pauvreté.

L'accès formel à l'éducation ne suffit pas

La pandémie de Covid-19 a démontré une fois pour toutes que la rétention des filles dans l'éducation est tout aussi importante que leur inscription. L'accès formel des filles à l'éducation ne suffit pas si l'on ne s'attaque pas ensuite aux obstacles qui les empêchent de poursuivre leur éducation au-delà du niveau primaire.

Aux Philippines, la coalition nationale pour l'éducation, E-NET, a travaillé sans relâche pour améliorer les pratiques en matière d'éducation des filles. Malgré les progrès réalisés sur le papier, il existe un écart important entre la théorie et la pratique en ce qui concerne l'éducation des filles aux Philippines. C'est ce à quoi E-NET entend remédier.

"Sensibiliser les administrateurs scolaires, les concepteurs et rédacteurs de programmes, le personnel enseignant et non enseignant, les parents et les étudiants à l'égalité des sexes dans l'éducation, et les impliquer dans l'identification des actions à entreprendre pour y parvenir, sont des étapes importantes de l'intégration de la dimension de genre", déclare un représentant d'E-NET dans une interview au Manila Bulletin.

C'est également l'expérience de la coalition nationale pour l'éducation au Niger, ASO-EPT. La coalition a mis en œuvre le projet "Priorité à l'égalité" depuis 2021. Dans le cadre de ce projet, la coalition a animé des séances de communication pour le changement de comportement à travers 11 radios communautaires, la télévision et la radio nationale (ORTN) pour la scolarisation et la rétention des filles dans les contextes d'insécurité et de pandémie de Covid-19. En coordonnant des séances de plaidoyer à l'intention des leaders communautaires et des responsables des gouvernements locaux, la coalition veut encourager ces acteurs à assumer leurs responsabilités dans la scolarisation et le maintien des filles à l’école.

Comme l'indique un rapport de l'UNESCO, le fait d'impliquer les garçons et les hommes dans la remise en cause des normes sur le genre à l'école a un impact majeur sur le changement d'attitude et de comportement des élèves ainsi que des communautés scolaires environnantes. D'après l'expérience des coalitions des Philippines et du Niger, l'implication non seulement des filles mais aussi des parties prenantes à tous les niveaux est essentielle pour garantir une éducation continue et de qualité pour les filles.

Le genre comme étant un aspect transversal

Avec les impacts de la pandémie de Covid-19 sur la scolarisation et le retour des filles à l'école, le moment est opportun pour intensifier les efforts en faveur de l'éducation des filles. De nombreuses coalitions nationales pour l'éducation soutenues par Education à Voix Haute s'efforcent de maintenir l'accent sur l'éducation des filles dans les sphères d'élaboration des politiques. Des efforts pour désagréger les données sur les garçons et les filles à l'école dans les îles Salomon et au Bangladesh à l'incorporation de stratégies de genre transversales dans les activités au Burkina Faso et au Bénin, les coalitions jouent un rôle clé en favorisant la pression de la société civile pour s'assurer que le genre reste au centre des agendas de toutes les parties prenantes travaillant dans le domaine de l'éducation.

Pour HOPE Liberia, qui met en œuvre le projet EducateHER financé par Education à Voix Haute, maintenir un accent sur le genre au sein de l'éducation s'est traduit par la création d'une plateforme dédiée au partage de données sur l'éducation des filles :

"Il n'y a pas de véritable effort focalisé sur la collecte de données spécifiquement pour l'éducation des filles au Liberia. Comment les citoyens peuvent-ils agir s'ils ne disposent pas d'informations ? Comment les conseils scolaires deviennent-ils réceptifs ? Comment les décideurs politiques peuvent-ils s'assurer que les bonnes politiques sont mises en œuvre et que les bons programmes sont développés ?" demande Aisha Cooper Bruce, directrice exécutive de HOPE Liberia et coordinatrice du projet EducateHER, dans un article précédemment publié sur le site web Education à Voix Haute.

La quête pour souligner la nécessité de traiter la question du genre comme un thème transversal dans toutes les activités liées à l'éducation continue. Les enfants à faible revenu familial, originaires de zones rurales, souffrant d'un handicap ou appartenant à une minorité ethnique ou linguistique, sont fortement désavantagés en matière d'éducation. Ces désavantages sont toutefois exacerbés pour les enfants qui sont aussi des filles, ce qui les place dans une situation de vulnérabilité double ou multiple et les laisse le plus loin derrière en termes d'accès à l'éducation et d'achèvement de celle-ci. Par exemple, le genre joue un rôle important dans l'éducation en situation d'urgence et d’éventuels déplacement. Dans les pays touchés par un conflit, les filles sont en fait 2,5 fois plus susceptibles de ne pas aller à l'école que les garçons. Si l'on considère ce chiffre, ainsi que les données révélant que les enfants vivant dans des zones touchées par des conflits ont généralement deux fois plus de probabilité à ne pas être scolarisés que les autres, l'extrême vulnérabilité des filles dans les contextes fragiles apparaît de manière dévastatrice.

Pour maintenir l'attention portée à l'égalité des sexes dans les efforts pour l’éducation, il ne suffit donc pas de mettre en place des programmes isolés pour lever les obstacles à l'éducation des filles. L'égalité entre les sexes doit être une action transversale au cœur de toute élaboration de politique et de tout développement de programme en matière d'éducation.

Nous devons regarder en nous-mêmes pour apporter des changements systématiques

Pour s'attaquer réellement aux obstacles auxquels les filles sont toujours confrontées en termes d'éducation, il est donc nécessaire d'examiner la manière dont nous contribuons nous-mêmes à maintenir les structures qui ont un impact sur l'accès des filles à une éducation de qualité. C'est un effort que de nombreux partenaires financés par Education à Voix Haute ont entrepris. La coalition nationale de l'éducation en Éthiopie, Basic Education Network in Ethiopia (BEN-E), par exemple, a récemment effectué des analyses pour comprendre la participation des femmes dans la coalition elle-même, tandis que la coalition nationale pour l'éducation au Burundi, Coalition pour l'éducation pour tous BAFASHEBIGE (EPT BAFASHEBIGE), a révisé les règlements internationaux et ses politiques de recrutement pour éviter toute discrimination des femmes au sein de la coalition et de ses organisations membres.

Parmi les organisations soutenues par Education à Voix Haute, une attention croissante a été accordée aux structures internes et pour les coalitions nationales pour l'éducation au Sénégal et au Zimbabwe, davantage de femmes se sont vu attribuer des rôles de direction au cours de l'année 2021.

La question du genre est depuis longtemps au cœur des programmes de l'éducation. Cependant, pour s'attaquer efficacement aux structures sous-jacentes qui entravent l'égalité des sexes dans l'éducation, il ne suffit pas d'intégrer le genre dans les programmes. Nous devons regarder à l'intérieur de nous-mêmes, comprendre notre propre rôle dans le maintien des structures qui constituent des obstacles pour les filles et commencer à les changer - dans l'éducation et au-delà. Ainsi, nous pourrons continuer à nous battre pour que les filles aient accès à une éducation continue de qualité et constater les immenses effets positifs de l'éducation des filles sur le développement et la résilience des communautés et des pays.