Une histoire de changement : Comment un morceau de papier peut façonner votre vie

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Dominique Ngoma Nkenzo
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Ornella school girl Burundi Photo BAFASHEBIGE
Photo: BAFASHEBIGE
Sans certificat de naissance, Ornella, 18 ans, a du mal à poursuivre ses études.
Au Burundi, une jeune fille se bat pour poursuivre ses études malgré l'absence des papiers requis à l'inscription à l'école. Lisez son histoire et découvrez comment BAFASHEBIGE, partenaire d'EOL, a soutenu son combat.

Dans la province de Gitega au Burundi, Ornella, une jeune fille de 18 ans, se bat pour rester à l'école et accéder à l'école supérieure. Ornella vient d'un foyer monoparental et a été élevée par sa mère. Le père d'Ornella, la seule personne qui pouvait légalement déclarer sa naissance, ne l'a jamais fait et est décédé avant d'avoir pu fournir les documents administratifs nécessaires à sa fille.

Faits

La coalition BAFASHEBIGE est active dans toutes les provinces du pays.

Elle dispose d’antennes régionales dirigées par des comités provinciaux dans les 18 provinces du pays ainsi que de cadres de consultation dans 5 régions, à savoir l'Ouest, l'Est, le Centre, le Sud et le Nord.

La coalition BAFASHEBIGE a réalisé cette vidéo sur leur travail.

Website: www.bafashebige.org

Facebook: Coalition Burundaise EPT Bafashebige

Par conséquent, Ornella a grandi sans acte de naissance, ce qui s'est avéré être un sérieux handicap lorsqu'elle a progressé à l'école et qu'elle a dû s'inscrire aux examens publics d'État. En effet, l'État exige que les candidats s'inscrivent avec leur dossier complet, y compris leur acte de naissance.

L'histoire d'Ornella n'est malheureusement pas un cas isolé au Burundi.

L'absence d’acte de naissance peut réduire à néant vos chances de fréquenter l’école

"Au Burundi, vous avez besoin d'un acte de naissance pour vous inscrire à l'école. Vous en avez besoin pour vous inscrire aux examens, vous en avez aussi besoin pour vous inscrire au niveau secondaire et tertiaire. Nous le savons. Mais nous n'avons toujours pas de système en place pour obtenir des certificats de naissance pour ces milliers d'enfants qui ne sont pas enregistrés par leur père à la naissance", explique Dénise Kandondo, coordinatrice nationale de BAFASHEBIGE, un partenaire d'Education à Voix Haute qui opère à Gitega.

"Au cours d'une étude visant à produire une base de données sur les groupes marginalisés et vulnérables dans les régions à fort taux d'abandon scolaire, nous avons remarqué quelque chose que nous n'avions pas perçu auparavant : de nombreux enfants de père inconnu ont des difficultés à accéder à l'enseignement supérieur en raison de l'absence d’actes de naissance et finissent par quitter l'école", explique Dénise Kandondo et poursuit:

"Grâce au financement d'Education à Voix Haute et à la nouvelle approche d'intervention, la Coalition a pu décentraliser ses activités au niveau communautaire. Maintenant, les membres de l'OSC mènent des actions de plaidoyer avec des bénéficiaires. C’est ainsi qu’Ornella a pu obtenir le soutien nécessaire... mais beaucoup d'autres enfants confrontés à cette situation abandonnent l'ecole et sont emportés dans le travail des enfants, le mariage précoce ; ils vivent des abus, et sont quelques fois violés, par conséquent, d'autres enfants de pères inconnus naissent pour reproduire la même tendance. C'est un cercle vicieux".

Comment la société civile peut changer les choses

Fort heureusement, la coalition fait partie du cadre de consultation régional au niveau duquel elle peut présenter le problème ainsi et ses actions et interventions passées aux gouverneurs des provinces de Gitega, Mwaro, Muramvya et Karusi, ainsi qu'aux responsables de l'éducation de ces provinces.

"Depuis lors, les parents et les membres de la communauté viennent plus souvent solliciter leur intervention et sont conscients de leur rôle dans l'intégration des personnes vulnérables, notamment en termes de droit à l'éducation. C'est au cours de ces interactions avec nos bénéficiaires dans la région que nous avons été informés du défi rencontré par Ornella, une élève brillante qui s'est vu refuser l'accès à l'enseignement supérieur par les autorités éducatives provinciales", rapporte Dénise Kandondo.

Grâce à ces interventions et au plaidoyer mené dans le cadre de la concertation régionale dans la région centrale, la Coalition Education pour Tous, BAFASHEBIGE, a pu aider Ornella à avoir une documentation à des fins administratives à ajouter à son dossier scolaire pour lui permettre d'accéder au cours et de passer l'examen.

Ornella a maintenant obtenu son diplôme, mais la bataille continue car le document qui lui a permis de s’inscrire est temporaire. Elle doit à présent demander son certificat d'études secondaires, toujours sans son acte de naissance, et s'inscrire à l'enseignement supérieur.

Nous devons modifier la loi

"Faire en sorte qu'Ornella poursuive ses études a été et est toujours un processus. Le fait que la loi exige qu'elle ait un acte de naissance pour poursuivre ses études est un véritable défi et cette exigence ne peut être éludée éternellement. Ornella a maintenant 18 ans et peut faire appel au tribunal pour obtenir son droit d'être enregistrée et recevoir les documents nécessaires en tant que citoyenne du Burundi. La coalition la soutiendra dans cette démarche", déclare Dénise Kandondo.

"Cette histoire pourrait servir à prévenir et à combattre ce genre de problème auquel d'autres enfants nés ou à naître dans des situations comme la mienne peuvent être confrontés", a déclaré Ornella en partageant son point de vue.

Ce souhait semble prendre forme puisque son combat a permis à d'autres filles de sa communauté qui avaient abandonné l'école en raison de grossesses non désirées ainsi que leurs parents de demander l'aide et conseils auprès de la Coalition.

"Nous avons maintenant plus de témoignages d'enfants confrontés à ces difficultés à l'école. Ils sont marginalisés à l'école, font l'objet de moqueries de la part de leurs camarades de classe et se voient refuser l'accès à l'enseignement supérieur par les autorités locales en raison de cette politique. Nous allons donc plaider pour l'amendement de la politique d'inscription à l'école et de cette loi permettant aux seuls pères d'enregistrer leurs enfants à l'état civil", a déclaré Dénise Kandondo.

Il reste beaucoup à faire

Il est important de noter que l'espace de la coalition pour les efforts de plaidoyer a récemment été élargi. Lors de la mise en œuvre de son projet dans le cadre de la Composante Opérationnelle 1 de l'EOL, la coalition a gagné la confiance du ministère de l'éducation et s'est vu accorder un espace stratégique en tant que partenaire clé dans l'élaboration des politiques éducatives.

La coalition est désormais intégrée dans le processus de planification de l'éducation. Cela lui a déjà permis de plaider auprès du gouvernement pour la mise en place de textes clairs pour la préservation de l'éducation gratuite, notamment contre la privatisation, par le biais d'une plateforme régionale de lutte contre la privatisation de l'éducation dans laquelle la coalition siège en tant que membre. Malgré d'importants succès, des défis restent à relever.

Malheureusement, constate Dénise Kandondo, la plupart du temps, les jeunes mères taisent à la société que leurs enfants ne sont pas reconnus par leurs pères, dans le but d'éviter toute stigmatisation. Et cela joue contre leurs enfants qui peuvent à peine fréquenter l'école élémentaire et à peine l'école secondaire sans documents appropriés, mais qui sont tenus de présenter leur acte de naissance au niveau du lycée et de l'enseignement supérieur. C'est alors que les enfants dans ces cas-là abandonnent l'école. Nous devrons également plaider pour un changement des comportements.

"La question n'est pas considérée comme un problème ici. On ne lui accorde pas beaucoup d'attention alors qu'elle est la cause de nombreux abandons scolaires. Le cas d'Ornella va mettre en lumière le problème auquel sont confrontés les enfants de pères inconnus et, alors que nous plaidons pour la révision de cette politique et que nous sensibilisons pour un changement de comportement, en particulier dans les communautés, nous espérons que l'attention des autres parties prenantes sera également retenue sur cette question", a confié Dénise Kandondo.