Faire de l'éducation une réalité pour tous: les réussites importantes mais invisibles de l'activisme de la société civile

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Naomi Hossain, University of Sussex, Felipe J. Hevia, CIESAS-Golfo, and Abrehet Gebremedhin, American University in Washington, D.C
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Students at St Luke's Pre-primary school in Wilberforce, Sierra Leone. Credit: World Bank/Kaglan
Credit: Banque mondiale/Kaglan
Des élèves de l'école maternelle St Luke à Wilberforce en Sierra Leone.

Que savons-nous de l’apport des activités de la société civile à l’éducation ? Une équipe de l'Accountability Research Center a publié une note d’information mettant en lumière une revue de la littérature et les réalisations des 2 dernières décennies, avec les principales leçons à tirer pour les donateurs, les gouvernements et les OSC.

Le rôle de la société civile dans les politiques nationales d'éducation dans les pays du Sud

Les militants de l’éducation vivent dans une époque dangereuse. En effet, vous risquez la prison si vous osez éduquer des filles en Afghanistan, idem si vous êtes documentaliste et stockez des « livres interdits » aux États-Unis.

Il n’a pas toujours été aussi risqué de militer en faveur de l'éducation. Pendant un quart de siècle, des organisations non gouvernementales (ONG), des militants, des groupes de bénévoles et des mouvements sociaux ont contribué à élaborer les politiques mondiales en matière d'éducation par le biais du Cadre d'action de Dakar sur l'éducation pour tous.


Les groupes de la société civile ont plaidé en faveur d'une éducation inclusive pour les enfants en situation de handicap, ont trouvé des moyens d’instruire les enfants déplacés et réfugiés et ont contrôlé les budgets de l'éducation.

Mais que savons-nous de l'influence de la société civile sur l'évolution de l'éducation?

Notre équipe au sein de l'Accountability Research Center, l'un des partenaires d'apprentissage mondiaux de L’Éducation à voix haute du GPE, a passé en revue la documentation pertinente des deux dernières décennies pour le savoir et a réalisé une Note d’information sur la responsabilité contenant des points essentiels pour les bailleurs de fonds, les gouvernements et les organisations de la société civiles (OSC).

La société civile a montré que l'éducation est vraiment faite pour tous.

 

Lorsqu'une norme internationale est établie, il est parfois difficile de se rendre compte de tout le travail nécessaire pour y parvenir.

Cependant, comme nous l'avons constaté dans notre revue de littérature détaillée portant sur le rôle de la société civile dans l'élaboration des politiques éducatives dans les pays du Sud, les 25 dernières années ont été marquées par une réussite remarquable mais peu connue, à savoir l'adoption d'un consensus mondial selon lequel tous les enfants, partout dans le monde, ont le droit d’aller à l’école (ce qui implique, dans la mesure du possible, des services publics) et d'apprendre. Cela a nécessité des campagnes, des activités de plaidoyer et des projets pilotes de grande envergure destinés à atteindre les enfants non scolarisés.

Le leadership de la Campagne mondiale pour l'éducation, une coalition internationale d'ONG, de mouvements sociaux, de syndicats d'enseignants, de coalitions nationales pour l'éducation et d'autres groupes civiques, a permis de coordonner l'activisme et d'en amplifier les effets.

Le fait que des groupes extrémistes tels que les Talibans et Boko Haram soient exclus de la communauté internationale parce qu'ils s'opposent à l'éducation de base en dit long sur l'universalité de cette idée. On a facilement tendance à oublier tout l'activisme qui a permis d'établir cette norme, ou que cela n'était pas du tout inévitable.

… mais la société civile a mieux réussi à promouvoir l'accès à l'éducation qu'à en améliorer la qualité.

Élargir l'accès à l'éducation de base a été largement plébiscité par les parents, les élèves, les gouvernements, les enseignants, les bailleurs de fonds et le grand public. 

En revanche, il a été plus difficile de plaider en faveur d'une amélioration de la qualité de l’éducation pour résoudre la crise de l'apprentissage les mesures qui ont fait leurs preuves sont moins claires, les stratégies sont plus complexes et les acteurs de la société civile sont plus divisés dans leurs idées et leurs intérêts.

Certains groupes civiques, comme Pratham en Inde, ont montré comment la recherche et la mobilisation orientées vers l'action peuvent garantir que « tous les enfants vont à l’école et apprennent correctement » (leur slogan). Toutefois, la société civile a généralement éprouvé plus de difficultés à faire campagne pour les réformes de l'apprentissage que pour l'accès à l’éducation, et il y a eu moins de cohésion et d'efforts dans l'ensemble de la société civile pour faire avancer un programme de plaidoyer commun.

La société civile est oppressée

La conjoncture politique revêt une importance cruciale. En effet, la société civile a connu son heure de gloire à l'époque optimiste des Objectifs du Millénaire pour le développement et du mouvement de l'éducation pour tous.

C'était après la fin de la guerre froide, lorsque la démocratie était en plein essor, l'espace civique s'élargissait et les bailleurs de fonds ainsi que de nombreux gouvernements de pays en développement étaient disposés à impliquer des ONG et des groupes de la société civile progressistes et spécialisés dans les droits humains dans l'élaboration des politiques d'éducation. Cette époque est désormais révolue.

Les groupes progressistes et de défense des droits humains sont confrontés à la stigmatisation, à des restrictions juridiques et administratives, voire à la violence.

Par ailleurs, les représentants de la société civile nous rapportent que les financements ont été réduits, dès lors que les bailleurs de fonds exigent des preuves d'impact plus « rigoureuses » que celles que les activités de plaidoyer de la société civile peuvent fournir car elles sont souvent limitées par des contraintes financières et politiques.

Plus inquiétant encore, l'espace civique est en pleine mutation partout, étant donné que les groupes conservateurs occupent une plus grande partie de l'espace politique qu'auparavant.

In Nepal, this school has a suggestion box to learn what exactly the students and teachers need, especially the girls and female teachers. These boxes are in the schools, and someone has a duty to open them twice a week. If there are any suggestions, the school will figure out how to address them. Credit: GPE/Kelley Lynch
Au Népal, cette école dispose d'une boîte à suggestions pour savoir ce dont les élèves et les enseignants ont besoin, en particulier les filles et les enseignantes. Ces boîtes se trouvent dans les écoles et une personne est chargée de les ouvrir 2 fois par semaine. S’il y a des suggestions, l’école trouvera comment y répondre. Credit: GPE/Kelley Lynch

Les dures leçons

Si la société civile a joué un rôle déterminant dans l'établissement de la norme essentielle selon laquelle l'éducation est réellement pour tous, la conjoncture politique a changé.

Notre revue de littérature soulève des questions difficiles. Les partenariats entre les gouvernements et la société civile ont-ils été une simple parenthèse historique, faisant partie des dividendes de la paix de l'après-guerre froide ? Peuvent-ils continuer à coopérer dans un contexte de montée de l'autoritarisme, de polarisation politique et de contraction des budgets ? La société civile peut-elle parvenir à un consensus sur la manière de résoudre la crise de l'apprentissage, comme elle l'a fait (en grande partie) pour l'accès à l'éducation ? Les bailleurs de fonds et les gouvernements considèrent-ils le rôle de la société civile dans l'éducation comme acquis ?

Sans disposer de la marge de manœuvre et du financement nécessaires pour continuer, les ONG et les mouvements risquent d'avoir du mal à faire en sorte que les gouvernements tiennent leurs promesses et garantissent que l'éducation soit réellement pour tous.

 

Cet article a été publié à l'origine sur le site web du GPE, lire l'article original ici.