Un regard vers l’avenir
Il y a lieu d’espérer que l'année 2022 voie la fin de la pandémie qui occupe le devant de la scène mondiale depuis près de deux ans maintenant. Mais même si nous revenons à la normale et que les écoles du monde entier ouvrent à nouveau, la pandémie sera toujours la cause de nombreuses choses auxquelles nous devrons réfléchir, discuter, décider et traiter au cours l’année, prédisent nos experts.
1. Il se peut que nous reparlions du taux d’inscriptions
Il ne fait aucun doute que l’éducation dans le monde a subi un revers majeur en raison de la pandémie. Il est à craindre que tous les enfants ne retournent pas à l'école. Partout, il y aura un grand besoin d’initiatives soutenant cette transition vers le retour à l’école. Certains prédisent même que nous verrons la nécessité de mettre de côté l’accent nouvellement gagné sur la qualité de l’éducation et de revenir à parler du simple accès. Kira Boe d’Oxfam Denmark prédit qu’en 2022 un besoin des deux aspects se fera sentir.
“L’éducation doit bien sûr être disponible et accessible, et les familles et communautés conscientes de leurs droits et des avantages de l’éducation. Cependant, la qualité restera un mot clé et je m’attends à ce que la discussion soit davantage centrée sur la rétention que sur l’inscription. À ce stade, vous voyez déjà des praticiens, des défenseurs de droits et des politiciens réfléchir sérieusement aux mesures que nous pourrions utiliser pour éliminer les obstacles au retour des enfants.
Par exemple, en Tanzanie, le nombre de grossesses chez les adolescentes a augmenté pendant le confinement dans une certaine mesure, de sorte que les autorités ont décidé d’autoriser les jeunes mères et les filles enceintes à aller à l’école. Dans d’autres milieux, l’augmentation du niveau de pauvreté, la peur de la maladie ou la honte d’être maintenant trop âgé pourraient être la chose à aborder pour empêcher les enfants d’abandonner.
Je m’attends à ce que ces questions d’inscription et de maintien à l’école prennent une grande place dans les questions à aborder presque partout. Et si elles ne le sont pas, elles devraient l’être en tous cas", explique Kira Boe.
2. Intérêt croissant pour les "outils d’évaluation menée par les citoyens"
Le responsable thématique de l’enseignement et de l’apprentissage au GPE Ramya Vivekanandan s’attend à voir un intérêt croissant pour l’approche de collecte et de mobilisation de données appelée "Évaluation menée par les citoyens", qui pourra offrir une évaluation rapide, par exemple, du niveau d’apprentissage perdu au cours des confinements liés à la pandémie. Et peut-être plus important encore, il s’agit d’une approche conçue pour atteindre les apprenants à domicile et qui est donc applicable dans les juridictions qui sont encore partiellement fermées en raison de la pandémie.
“Au lendemain de la Covid-19, il est urgent d’évaluer les aptitudes et les compétences des apprenants afin d’éclairer les efforts de réintégration dans les écoles et de rattrapage de l’apprentissage perdu. Et il est tout à fait possible que les autorités et les organisations de la société civile recherchent des outils qui puissent éteindre les apprenants dans leurs communautés, car de nombreuses écoles sont encore fermées ou du moins ne sont pas en mesure d’effectuer des évaluations à grande échelle de l’apprentissage.
Un plus grand sentiment de confiance pourrait également être créé dans les familles en permettant leurs enfants de participer à ce type d’évaluation, car cela est généralement effectuée par une personne de la communauté locale et au sein du foyer familial. Principalement pour ceux qui veulent combiner la collecte de données avec des efforts pour mobiliser ou initier un dialogue avec les parents et les communautés, les évaluations menées par les citoyens pourraient être quelque chose qu’ils voudront tester.
Nous avons constaté à plusieurs reprises que l'évaluation des enfants pendant que leurs parents/tuteurs observent, ce qui est une caractéristique de l'approche, a été très instructive pour tout le monde et que le partage immédiat des connaissances avec la communauté a, dans de nombreux cas, conduit à des actions en faveur d'un meilleur contrôle de la qualité de l'éducation offerte à leurs enfants. C’est une façon de permettre à tous de jouer un rôle dans la garantie d’une éducation de qualité.
Le réseau People’s Action for Learning (PAL) a été créé pour faciliter l’adoption et le partage de cette approche entre les pays", explique Ramya Vivekanandan.
Pour de plus amples informations sur l’approche de l’évaluation menée par les citoyens, veuillez visiter la page Web du Réseau PAL.
3. Nous nous rapporterons tous à la question de la fragilité
2022 sera également l’année où la communauté éducative se préparera à la reconstitution des ressources pour l’ "Education Cannot Wait" – un nouveau fonds mondial pour améliorer la qualité de l’éducation dans les situations d’urgence. Le réapprovisionnement est prévu pour le printemps 2023, mais les débats sur la manière d’apporter une réponse plus collaborative et plus rapide aux besoins éducatifs des enfants touchés par la crise se présenteront tout au long de l’année, prédit Kira Boe d’Oxfam Denmark.
“On se rend compte que des situations relativement stables peuvent facilement devenir vulnérables ou se transformer en crise, comme nous venons de le voir en Afghanistan. Par conséquent, je m’attends à ce qu’une poussée du GPE et de l’Éducation Cannot Wait relie le plaidoyer en situation ordinaire avec le travail lié à l’éducation dans les situations d’urgence.
J’ai hâte de suivre cela et j’encourage vraiment ceux d’entre vous qui ont des sièges dans les groupes d’éducation locaux ou les associations pour l’éducation à saisir cette occasion d’inclure de nouveaux acteurs et de nouvelles perspectives sur l’éducation,” explique Kira Boe.
4. Mais plus que tout...la question du financement
Il n’y a aucune garantie que le financement de l’éducation mènera à la qualité, mais il est presque garanti que vous ne pourrez obtenir une éducation de qualité sans financement. C’est pourquoi la sonnette d’alarme a commencé à retentir l’année dernière en février, lorsque la Banque mondiale a révélé que les deux tiers de tous les pays en développement étaient déjà en train de réduire les budgets sur l’éducation. 2022 verra un plaidoyer intense pour maintenir les budgets actuels et s’assurer que les fonds qui s’y trouvent soient dépensés de manière efficace et équitable. Ceci est la prédiction de Margaret Louise Irving qui est l’experte technique du GPE en matière de financement domestique.
“Le Sommet mondial du GPE sur l’éducation en 2021 a créé un moment sans précédent pour le financement de l’éducation, avec des chefs d’État de 19 pays partenaires signant l’Appel à l’action des chefs d’État, dirigé par le Président Kenyatta. Il sera important de tirer parti de cet élan dans la volonté politique de haut niveau, tout en restant conscient des impacts profonds de la pandémie de COVID sur les économies et donc sur les budgets.
Pour les pays qui souffrent d’un endettement élevé, cela crée une pression sur les gouvernements nationaux pour s’assurer que l’éducation reste prioritaire parmi les autres besoins pressants, mais engendre également une responsabilité pour les créanciers internationaux à reconsidérer les conditions de remboursement des prêts qui pourraient autrement limiter la marge de manœuvre budgétaire.
Dans cet environnement de crainte pour les ressources, il devient également essentiel d’augmenter la valeur ajoutée de chaque dollar, c’est pourquoi il est si important de mettre l’accent sur l’efficacité – les estimations suggèrent que près d’un tiers des dépenses de l’éducation sont gaspillées en raison d’inefficacités. De même, pour faire progresser les objectifs d’équité, il faut veiller à ce que les mécanismes d’affectation des ressources aux personnes les plus marginalisées soient intégrés dans les décisions budgétaires. Il sera essentiel d’améliorer la transparence et la responsabilisation, y compris la publication en temps opportun des données financières, et cela va de l’établissement de rapports budgétaires au niveau national à une meilleure perception des dépenses et du rendement relatif au niveau de l’école et de la collectivité,” explique Margaret Louise Irving.
Ainsi, comme indiqué plus haut, nous entrevoyons une année d’atténuation des conséquences de la crise et de rétablissement de l’éducation pour tous. Nous espérons reconstruire rapidement mais aussi mieux reconstruire.
“J’ai l’assurance et j’espère que nous avons appris quelque chose. Que cela a conduit les gens à mieux valoriser l’éducation et les éducateurs afin qu’il y ait plus de personnes soutenant l’éducation dans les temps à venir. J’espère que beaucoup d’autres soutiendront les enseignants, les élèves et les mouvements qui luttent pour protéger et améliorer l’éducation. L’activisme est la clé", conclut Kira Boe d’Oxfam Denmark.