La société civile se mobilise pour placer l’environnement au cœur de l’éducation

Pour mieux comprendre comment les questions environnementales sont intégrées à l’enseignement et à l’apprentissage, des coalitions de la société civile de 5 pays se sont réunies pour explorer les préoccupations et les initiatives menées par les enseignants, la société civile et les partenaires institutionnels de ces pays. Cela a donné lieu à l’étude « État des lieux des enjeux de l’Éducation à l’Environnement et au Développement Durable au Togo, au Sénégal, au Burkina Faso et à Madagascar » 

Les pays africains sont confrontés à des effets parmi les plus extrêmes du changement climatique. Chaque année depuis dix ans, le Burkina Faso a vu 470 000 hectares de terres dégradées du fait de l’érosion, des inondations ou encore de la sécheresse. Au Sénégal, le changement climatique pourrait faire basculer plus de 2 millions de Sénégalais dans la pauvreté d’ici le milieu du siècle et l’érosion menace, à terme, 75 % des côtes du pays.

Par ailleurs, Madagascar et le Togo affichent des niveaux extrêmement élevés de vulnérabilité des enfants face aux risques climatiques. Compte tenu de la gravité de ces enjeux environnementaux, l’éducation constitue une réponse essentielle à l’urgence climatique—une approche par l’éducation étant susceptible d’entraîner des changements durables en termes de prise de conscience et de comportement.
« L’enfant doit pouvoir protéger l’environnement, être écocitoyen, sensibiliser autour de lui toute personne n’ayant pas de connaissances sur l’environnement. » Un enseignant au Burkina Faso

TAfin de mieux comprendre comment ces enjeux sont pris en compte par les systèmes éducatifs, cinq coalitions de la société civile – CN EPT Burkina FasoCoalition Éducation FranceCONAMEPT MadagascarCOSYDEP Sénégal et CN EPT Togo – ont collaboré pour explorer et mieux comprendre les préoccupations et les initiatives portées par les enseignants, les organisations de la société civile et les partenaires institutionnels dans ces pays.

Le rapport examine comment et dans quelle mesure l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD) est intégrée aux programmes scolaires et de formation professionnelle – que ce soit au niveau des enseignants, des ONG ou des institutions – ainsi que les défis rencontrés, y compris les considérations liées au genre.

Les coalitions se sont penchées aussi sur la coordination intersectorielle entre l’éducation, l’environnement, la santé et la protection, ainsi que la viabilité et l’institutionnalisation de ces pratiques.

Ce travail collaboratif a abouti à un rapport intitulé « État des lieux des enjeux de l’Éducation à l’Environnement et au Développement Durable au Togo, au Sénégal, au Burkina Faso et à Madagascar », et qui est désormais disponible.

Cette étude a mobilisé plus de 500 parties prenantes lors de diverses consultations, en adoptant une approche à la fois multi- et intersectorielle. Cette collaboration multi-pays innovante, financée par le programme Éducation à voix haute du GPE et le ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, a permis de réaliser des analyses croisées, de comparer les contextes nationaux et de partager des connaissances.

L’étude a révélé que les enjeux et les constats en matière d’EEDD sont remarquablement similaires dans tous les pays étudiés. Bien que ces thèmes soient de plus en plus considérés comme des priorités, les engagements politiques énoncés dans les textes ne s’accompagnent pas d’actions gouvernementales majeures, de ressources ou de budgets dédiés.

En effet, aucune des politiques sectorielles de l’éducation des quatre pays étudiés n’alloue de budget spécifique à ces domaines, laissant un écart important entre les intentions des pays et leur mise en œuvre.

Bien que l’éducation à l’environnement et au développement durable soit largement soutenue, la majorité des enseignants interrogés dans le cadre de cette étude, affirment consacrer moins de deux heures par semaine à cette matière. En effet, la mise en œuvre effective de l’EEDD se heurte à plusieurs obstacles dans les pays étudiés.

  • Au Sénégal, 81 % des enseignants interrogés soulignent le manque de matériel
  • Au Togo, 71 % des enseignants affirment avoir besoin davantage de temps pour enseigner ces matières
  • Au Burkina Faso, 65 % d’entre eux estiment manquer de formation
  • À Madagascar, seuls 18 % des enseignants ont un diplôme pédagogique dans ces matières.

Entre 43 % et 63 % des enseignants interrogés dans les quatre pays affirment que les élèves réagissent favorablement aux activités éducatives liées à l’environnement, surtout celles qui vont au-delà des enseignements théoriques et les impliquent dans des activités pratiques liées à la protection de l’environnement (clubs de l’environnement, écoles vertes, comités éco-écoles, jardins scolaires, journées de sensibilisation et de reboisement).

La mise en œuvre de ces activités nécessite davantage de formation et de ressources pour les enseignants.

Bien que souhaitée par certaines organisations de la société civile et les parties prenantes institutionnelles, la création d’une matière dédiée à l’éducation à l’environnement et au développement durable reste controversée chez les enseignants : seuls 18 % des enseignants consultés au Togo, 17 % à Madagascar, et 26 % au Sénégal, souhaitent la création d’une telle matière, car cela alourdirait les programmes.

Ils proposent qu’elle soit plutôt intégrée à certaines matières déjà enseignées afin de garantir qu’elle soit incluse dans le programme scolaire.Although widely supported, most of the teachers surveyed as part of this study stated that they dedicate less than two hours a week to environmental education and education for sustainable development.

Les coalitions de la société civile des pays participant à cette étude s’appuient déjà sur les données probantes recueillies ainsi que sur les conclusions tirées de l’étude, pour plaider en faveur d’actions plus nombreuses et plus efficaces en matière d’éducation à l’environnement.

Au Burkina Faso, lors de l’atelier de partage des résultats de l’étude, l’Assemblée Législative de Transition a demandé au ministère de l’Éducation de financer l’éducation à l’environnement et au développement durable. Ces efforts ont abouti à la création d’un Réseau jeunesse Éducation transformatrice et climatique qui a lancé une campagne numérique.

Au Sénégal, la Coalition nationale pour l’éducation pour tous s’appuie sur cette expérience pour placer l’éducation à l’environnement au cœur de son action. Grâce au soutien du Programme de coopération volontaire Compétences, Leadership, Éducation (Programme CLÉ), la coalition a élaboré un document stratégique en matière d’environnement afin d’orienter son travail jusqu’en 2028.

En France, le ministère de l’Éducation a fait de l’éducation à l’environnement et au développement durable une priorité stratégique et le gouvernement a déjà inclus l’EEDD dans sa stratégie internationale en matière d’éducation de base 2024-2028, qui intègre désormais mieux les questions environnementales en tant qu’axe stratégique pour soutenir la transformation de l’éducation.

Au cours des prochains mois, les parties prenantes du projet continueront à renforcer leur collaboration. Elles formuleront des recommandations à partir des conclusions de l’étude et participeront à des activités de plaidoyer multi-pays et transnationales, afin de renforcer la priorité accordée à l’éducation à l’environnement dans les politiques et les pratiques relatives à l’éducation et au climat.

Ce plaidoyer visera les organismes régionaux et les gouvernements nationaux et s’articulera principalement autour d’un dialogue continu avec les pouvoirs publics, de la mise en place de cadres de concertation multipartite sur la question de l’EEDD, de la participation à des réunions de haut niveau et de la mise en œuvre d’actions de communication stratégique associant les organisations de jeunesse.

Cet article a été initialement publié sur le site Web de PME. Lire l’article original ici.

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