L’histoire derrière l’augmentation de 12 % du budget de l’éducation en Ouganda
Le secteur de l’éducation en Ouganda devrait connaître un essor considérable, le Parlement ayant approuvé une augmentation de 12 % du budget alloué à l’éducation. Cette augmentation offre un nouvel espoir à des millions d’apprenants, en particulier à ceux qui ont des besoins spécifiques ou qui vivent dans des communautés défavorisées, un secteur longtemps affecté par des déficits de financement.
L’annonce de l’approbation par le Parlement d’un budget de 5 040 milliards d’UGX pour l’éducation pour l’exercice 2025/26 a d’abord été faite pour la première fois dans le rapport de la commission budgétaire de mai 2025, puis dans le rapport sur les crédits, avant d’être finalement annoncée lors du discours sur le budget, le 12 juin 2025. Ce montant de 5,04 milliards représente une hausse de 12 % par rapport à l’année précédente et témoigne d’un engagement sans précédent du pays en faveur du financement de l’éducation depuis des années. Cette décision fait suite à une campagne de sensibilisation menée pendant un an par le Civil Society Budget Advocacy Group (CSBAG), en collaboration avec des organisations de la société civile partageant les mêmes idéaux et avec le soutien d’Education à Voix Haute.
Pour les militants qui avaient passé des mois à examiner des documents, à dialoguer avec les décideurs politiques à tous les niveaux et à maintenir l’attention du public sur le financement de l’éducation, cette confirmation marquait le résultat significatif de leurs efforts soutenus.
« Nous sommes ravis de constater une augmentation des investissements dans le secteur de l’éducation, et nous remercions le gouvernement pour ses allocations ciblées vers certaines interventions clés dans ce secteur », déclare Musa Mugoya, chargé de projet à l’Initiative for Social and Economic Rights (ISER), partenaire du consortium du projet Strengthening Public Accountability and Investment in Education (SPAIE) du CSBAG.
Pour un secteur qui souffre depuis longtemps d’un grave déficit de financement, cette augmentation est porteuse d’un nouvel espoir pour les 9,2 millions d’apprenants, en particulier ceux issus de communautés défavorisées et ceux qui ont des besoins spéciaux.
Une histoire de sous-financement et de tensions systémiques
Pendant des décennies, les dépenses de l’Ouganda en matière d’éducation ont été inférieures aux normes régionales et internationales, ne représentant en moyenne que 2,3 % du PIB depuis l’exercice 2018/2019, soit bien en deçà de l’objectif minimum de 6 % fixé par l’UNESCO. La part du secteur dans le budget national est également restée inférieure à l’engagement de 20 % pris dans la Déclaration de Dakar, pour finalement tomber à 8,4 % pour l’exercice 2023/2024.
« Ces insuffisances se sont traduites par des tensions importantes dans l’ensemble du système. De nombreuses écoles continuent de faire face à un manque de personnel, à des classes surchargées et à des infrastructures délabrées », a déclaré Musa Mugoya lors de la présentation de l’OSC à la Commission parlementaire de l’éducation, en avril 2025.
Une étude sur le financement de l’éducation réalisée par le CSBAG en 2024 a révélé que le ratio national élèves/enseignant est de 1 pour 61, alors que le ratio recommandé est de 1 pour 53, et que la surcharge des classes s’est aggravée au fil des ans. L’éducation spécialisée reste gravement sous-financée, privant des milliers d’enfants handicapés d’un soutien scolaire essentiel, et les capacités d’inspection restent extrêmement faibles, avec seulement 54 inspecteurs supervisant plus de 12 000 écoles.
Ce système, déjà saturé, subit une pression supplémentaire, car l’Ouganda continue d’accueillir plus de 1,5 million de réfugiés, dont beaucoup ont besoin de services éducatifs. Dans ce contexte difficile, l’allocation de nouveaux fonds devrait permettre de résoudre certains des problèmes les plus urgents dans ce domaine.
Cette augmentation de 12 % permettra de rénover 31 écoles primaires spécialisées, d’améliorer les effectifs en recrutant davantage d’enseignants et de personnel non enseignant, de renforcer les inspections en appliquant le système TELA (Teacher Effectiveness and Learner Achievement) à l’échelle nationale et d’améliorer l’accès au matériel pédagogique. Le gouvernement vise en effet à réduire le ratio manuels scolaires/élèves, qui est actuellement de 1 pour 15, à 1 pour 3.
« Ces interventions constituent des mesures concrètes visant à rétablir la qualité et l’équité au sein du système d’enseignement primaire ougandais. Et elles ne sont pas le fruit du hasard. Elles résultent d’un plaidoyer soutenu, coordonné et fondé sur des données probantes mené par des OSC déterminées à faire en sorte que le financement de l’éducation reste une priorité nationale », explique Katesi Najjiba, de l’Uganda Society for Disabled Children, partenaire du consortium CSBAG.
Le financement de l’éducation. Un sujet de débat public
Au début de l’année 2025, le CSBAG a réuni les membres de la coalition pour l’éducation afin d’analyser le document-cadre du budget national et les déclarations de politique ministérielle. Ces discussions ont permis d’identifier les lacunes critiques et ont éclairé l’élaboration de propositions de financement fondées sur des données probantes, qui ont ensuite été présentées à la commission parlementaire chargée de l’éducation. La coalition a également organisé des dialogues de haut niveau qui ont réuni des représentants du gouvernement, des organisations de la société civile, des universitaires, des acteurs du secteur privé, des représentants infranationaux et les médias afin de débattre des priorités nationales et locales. Ces dialogues ont permis de maintenir le financement de l’éducation au centre du débat public tout au long du processus budgétaire.
Les contacts directs avec le Parlement se sont révélés particulièrement influents. Le CSBAG a mobilisé des organisations de la société civile (OSC) œuvrant dans le domaine de l’éducation pour qu’elles rencontrent des commissions clés, notamment celles chargées de l’éducation, du budget, des finances, de l’égalité des sexes et de la fonction publique. Ces réunions ont permis de fournir aux décideurs politiques des recommandations pratiques et de renforcer leur détermination à défendre le secteur lors des discussions budgétaires. Par ailleurs, une campagne médiatique a permis de faire pression sur l’opinion publique en faveur d’une augmentation du financement.
« Grâce à des interventions à la télévision nationale, à des débats à la radio et à des communiqués de presse largement diffusés, nous avons mis en évidence les lacunes persistantes dans la prestation des services et souligné l’urgence d’agir », a déclaré Katesi Najjiba, de l’Association Ougandaise pour les enfants handicapés.
Une victoire pour un plaidoyer collectif et un engagement national
L’impact de ces efforts s’est manifesté lorsque le Parlement a approuvé le budget national pour l’exercice 2025/26.
« Pour de nombreuses parties prenantes, cette victoire ne se limite pas à des fonds supplémentaires, mais symbolise également un regain de responsabilité nationale envers les apprenants. Pour les organisations de la société civile (OSC), cette victoire témoigne de la puissance de l’action collective et de l’importance d’un plaidoyer soutenu et fondé sur des données probantes », déclare Onyango Wilberforce, responsable du suivi au CSBAG.