CONAMEB

Comment les jeunes militants se mobilisent pour mettre fin aux mariages précoces au Burkina Faso

Au Burkina Faso, la société civile et les jeunes militants ont contribué à sensibiliser l’opinion publique aux lacunes juridiques concernant le mariage des enfants. Ils ont plaidé en faveur d’une réforme visant à protéger le droit de milliers de filles à poursuivre leurs études.

Le Burkina Faso a été l’un des premiers pays à lancer la campagne de l’Union africaine pour mettre fin aux mariages précoces, en 2014. Cependant, malgré les efforts déployés pour mettre fin aux mariages précoces, près d’une fille sur deux est mariée avant l’âge de 18 ans. Le Burkina Faso figure parmi les pays africains affichant les taux les plus élevés de mariage précoce et d’abandon scolaire. Selon l’UNICEF, au rythme actuel, il faudrait plus d’un siècle pour éliminer le mariage précoce en Afrique occidentale et centrale, ce qui met en évidence l’urgence d’agir.

La CONAMEB (Coalition nationale contre le mariage des enfants au Burkina Faso), principale coalition du pays luttant contre le mariage des enfants et bénéficiaire du soutien de L’Éducation à voix haute grâce à un financement accordé par Filles, Pas Épouses, est en première ligne dans la lutte pour éradiquer cette pratique dangereuse.

Portée par une vision ambitieuse et une stratégie de collecte de fonds efficace, la CONAMEB a initié un examen juridique en vue de modifier l’âge minimum du mariage pour les filles. Cet examen a abouti à l’adoption, le 1er septembre 2025, du nouveau Code des personnes et de la famille par l’Assemblée législative de transition, qui fixe désormais l’âge minimum du mariage à 18 ans pour les filles. Cette nouvelle positive et très attendue pourrait transformer l’avenir de l’éducation et témoigne des efforts déployés par le pays pour protéger le droit de milliers de filles à achever leur scolarité.

La CONAMEB et les jeunes militants de la coalition ont contribué à concrétiser ce changement grâce à une combinaison de mobilisation locale, de leadership des jeunes et de partenariats stratégiques. Les jeunes militants se sont particulièrement démarqués dans l’élaboration et la mise en œuvre de campagnes numériques, ainsi que par leur participation à des réunions avec des décideurs clés afin de faire entendre leur voix.

En 2022, la CONAMEB a mené une analyse de l’impact de la crise sécuritaire que traverse le pays. Elle a constaté une hausse des mariages précoces ainsi qu’une diminution de l’accès aux services de prévention et de traitement pour les filles vulnérables. L’augmentation du nombre de personnes déplacées internes pourrait favoriser davantage les mariages précoces, considérés comme une stratégie de survie pour les familles en situation difficile. Le mariage précoce et les grossesses précoces sont des facteurs majeurs conduisant les filles à interrompre leur scolarité secondaire.

Alors que les politiques nationales en matière d’éducation encouragent l’accès à l’éducation pour les filles, une importante contradiction juridique vient entraver cette avancée : l’ancien Code des personnes et de la famille fixait l’âge minimum du mariage à 17 ans pour les filles et à 20 ans pour les garçons, bien que les filles puissent se marier dès 15 ans et les garçons dès 18 ans sur autorisation du tribunal.

Pour que les efforts visant à mettre fin aux mariages précoces soient pérennes, il était nécessaire d’harmoniser les lois sur l’éducation et le mariage dans le pays. Pour remédier à ce problème, la CONAMEB et les jeunes militants ont lancé une campagne nationale de plaidoyer et de communication afin de faire connaître les lacunes juridiques et de plaider en faveur d’une réforme législative. Ils ont notamment organisé des discussions au sein des communautés, des rassemblements en faveur de l’harmonisation juridique et des rencontres avec des chefs traditionnels et religieux.

En tant que gardiens des valeurs sociales, ces chefs ont un rôle essentiel à jouer dans l’évolution des normes sociales, en utilisant leur autorité et leur influence pour éviter les mariages précoces et promouvoir l’éducation des filles. Leur forte influence politique contribue également à rapprocher les politiques nationales des réalités locales, favorisant ainsi l’appropriation par les communautés et un changement durable des mentalités et des pratiques.

Tout en sensibilisant la population et en renforçant le soutien communautaire, la CONAMEB avait également besoin d’un soutien institutionnel et de financements pour aider le ministère de la Justice à réviser le Code des personnes et de la famille.

Avec le soutien stratégique de Filles, Pas Épouses, la CONAMEB a élaboré une stratégie de collecte de fonds ciblée et a obtenu 18 000 dollars supplémentaires (10 millions de francs CFA) auprès de partenaires de développement, ce qui a permis au ministère de lancer officiellement le processus de révision juridique. L’approche était à la fois tactique et inclusive : en réunissant autour de la table la société civile, le gouvernement et les partenaires internationaux, l’initiative a permis de garantir une appropriation commune et la pérennité du projet.

Surtout, la voix des jeunes au sein de la CONAMEB a été essentielle : ils ont été impliqués tout au long du processus de plaidoyer et ont contribué à la rédaction du document servant à mobiliser les parties prenantes à tous les niveaux.

Malgré le long processus d’adoption de la nouvelle loi, les résultats et jalons intermédiaires ont été remarquables. Pour la première fois, une réforme juridique sur le mariage des enfants était portée par la société civile, dont des jeunes et des leaders communautaires locaux, principalement coordonnée par une coalition, en partenariat avec les plus hautes instances du gouvernement.

Cette initiative a déclenché un débat à l’échelle nationale, attiré une forte couverture médiatique et suscité un intérêt grandissant de la part des législateurs. Plus important encore, elle a favorisé la participation des jeunes et des communautés à la gouvernance, marquant un changement dans la manière dont les politiques sont élaborées au Burkina Faso.

Le plaidoyer stratégique mené par la CONAMEB et les jeunes militants visait non seulement à relever l’âge minimum légal du mariage des filles, mais aussi à lever un obstacle majeur à la scolarisation des garçons et des filles, leur permettant ainsi de bénéficier à l’avenir d’une éducation plus équitable.

Alors que le Burkina Faso s’apprête à appliquer cette nouvelle loi, la communauté internationale a l’occasion de soutenir ces acteurs du changement. L’harmonisation des lois sur le mariage et l’éducation n’est qu’une étape, certes audacieuse, qui a été et continue d’être menée par la société civile et les jeunes. En mobilisant la voix des jeunes et en unissant la société civile autour d’un objectif commun, la CONAMEB a contribué à faire passer le débat du plaidoyer local à une véritable réforme juridique d’envergure nationale.

Cet article a été initialement publié sur le site web du GPE. Lire l’article original ici.